Dans STILL TOO SAD TO TELL YOU, une dizaine d’écrans vous invitent à une expérience intime où les larmes, en s’exposant, forment autant d’incitations à les recueillir.
Les visages se font scènes et paysages selon que les regards se brouillent, qu’une larme perle, que l’on fonde en larmes ou en sanglots, que l’on en verse un flot ou un torrent, qu’on les essuie ou les partage, en silence, par petits hoquets, soupirs profonds, cris stridents, courts ou longs, entrecoupés de mots, entiers ou partiels, que l’on étouffe ou qu’on se noie…
STILL TOO SAD TO TELL YOU, est directement inspiré de I am too sad to tell you (auto-portrait vidéo de l’artiste Bas Jan Ader). Tout en lui rendant hommage, Anne-Cécile Vandalem reprend son motif, presque cinq décennies plus tard, pour mieux déplacer le regard et démultiplier les angles d’approches. Elle nous propose une installation immersive constituée de plusieurs portraits -inconnus ou connus, femmes, hommes, enfants, comédiens et non comédiens, -autant de visages offerts et de larmes versées- pour interroger la dimension plastique de ce sujet, le plaisir des larmes et leur représentation.
STILL TOO SAD TO TELL YOU est le contre-point de TRISTESSES, la prochaine création de Das Fräulein (Kompanie). Alors que cette petite forme place le sujet sur le plan strictement individuel et dévoile la puissance esthétique des manifestations lacrymales solitaires, TRISTESSES oriente la thématique sur le champ public en plaçant le sujet au sein d’une communauté.
Étiquettes : 2015, das fraulein, festival, kompanie, march, national, still to sad too tell you, théatre, xsRetenue prisonnière pendant vingt-sept ans dans le sous-sol de sa maison, une petite fille entreprend le récit de son enfermement, l’histoire d’une évasion…
Michel Dupont est une fable sonore. Dans une salle plongée dans la pénombre, le spectateur est invité à prendre place sur un coussin, à l’intérieur d’un cercle délimité par huit enceintes, en regard d’une maison miniature trônant au centre. La salle plonge doucement dans l’obscurité la plus totale et le spectateur est pris au coeur de l’histoire. Mêlant l’héritage du conte populaire et les témoignages de faits divers contemporains, le spectacle développe sous un angle nouveau une thématique chère à l’auteure : la force absolument nécessaire et vitale de l’imaginaire dans une situation d’interdit et d’enfermement.
C’est ainsi qu’il nous est offert d’entrer dans un univers sensoriel envoûtant où l’imaginaire de chacun prendra place à la croisée des chemins : une expérience physique, visuelle et sonore, collective et intime. Sculpté sur un récit tout en champs et hors-champs, offrant différents niveaux de narration et de multiples textures sonores, sous un éclairage oscillant entre rêve et veille, Michel Dupont nous guide et nous perd au cœur d’un royaume dont il nous faut investir le sens.
Non, le noir n’est pas noir. En quelques minutes à peine, l’oeil s’habitue à l’obscurité, perçoit des ombres, des nuances et les autres sens s’aiguisent. Telle l’écoute qui modifie la perception du récit. Nombreux sont donc ceux qui, dès 11h, viennent découvrir « Michel Dupont, réinventer le contraire du monde », sa nouvelle création, programmée à La Manufacture, haut lieu du Off d’Avignon. Et le bouche-à- oreille -forcément – fonctionne à merveille. Ils sont chaque jour un peu plus à se coucher dans le noir, en cercle, autour du donjon, pour se laisser envoûter par une fable sonore inédite.
La libre, Laurence Bertels, Juillet 2012.
L’habituation est un phénomène psychologique qui consiste en une diminution graduelle de l’intensité ou de la fréquence d’apparition d’une réponse suite à la présentation répétée ou prolongée du stimulus l’ayant déclenchée.
L’allégorie de la grenouille est régulièrement employée pour définir ce concept : si l’on plonge une grenouille dans de l’eau bouillante, elle s’échappe aussitôt. Par contre, si on la plonge dans de l’eau froide progressivement portée à ébullition, elle manque de vigilance, s’engourdit peu à peu et finit par mourir, ébouillantée.
Dans un pavillon de banlieue, cuisine et salon en enfilade, la famille Sennes vit repliée sur elle-même. Alain, le père, découpe et emballe à domicile du saumon fumé pour une société norvégienne. Claudia, la mère, secrétaire dans un bureau d’assurances, s’accroche au cadre bien défini d’une réalité faite de contrats et de risques anticipés. Yvonne, la tante, est chauffeur de bus et tourne en boucle dans la ville. Stagnant dans cette inertie mortifère, la petite Anni promène le bocal de son poisson rouge et veille à ne pas faire trop de remous tandis que sa famille l’encourage à nourrir une chimère : un jour ils partiront en Norvège visiter l’entreprise de papa ! Le jour de son septième anniversaire, Anni décide de prendre les choses en main, déterminée à ne plus leur laisser le choix. Par le biais d’une vente aux enchères radiophonique, elle liquide l’existence de sa famille. Tout bascule.
Dans un long mouvement progressif, la nature envahit la maison. Les lianes glissent le long des murs, les fougères pénètrent le mobilier, le gazon recouvre le sol du salon. Bientôt, l’eau s’infiltre dans la cuisine. La nature s’impose et la famille lutte pour sa survie, contre le mouvement initié par l’enfant. L’esthétique bascule vers l’imaginaire. La parole cède sa place au signe. Une mutation s’opère : les hommes deviennent poissons, motif principal et récurrent de l’histoire. Le mouvement circulaire, ligne commune aux trajectoires des différents personnages, se brise. Dans ce nouveau monde, plus rien jamais ne tournera rond.
Une veillée funèbre. Une jeune femme, Sally B., est au centre de l’histoire. En compagnie d’autres membres de sa famille, elle veille le corps de sa sœur jumelle, disparue dans des circonstances étranges. Le temps s’écoule au rythme des souvenirs et des rires nerveux ou maladroits. On contourne, on sous-entend et, petit à petit, la tension aidant, des conversations badines à l’incompréhension générale, cette veillée se transformera en une enquête policière où la méfiance et la surveillance agiront comme autant d’adjuvants à une intrigue où chaque victime est susceptible d’être l’assassin et où la vérité est loin de se trouver là où on la cherchait.
Premier opus de la Trilogie des parenthèses d’Anne-Cécile Vandalem, (Self) Service se joue de nos peurs en abordant avec un certain humour la question de l’enfermement, de la faculté qu’à l’homme de s’isoler et de se multiplier à la fois, et tente d’observer les dérives liées à ce phénomène. Prenant comme prétexte une enquête policière où la recherche de la vérité a des allures d’introspection et où la peur, l’ultra surveillance et la méfiance sont les acteurs principaux du récit, (Self) Service pose la question de l’identité, de l’appartenance au groupe avec la cellule famille comme métaphore d’une société paranoïaque qui tend de plus en plus à se refermer sur elle-même.
Sur le plateau, une maison à taille réelle, boîte gigantesque et hermétiquement séparée du public par une grande baie vitrée : fenêtre ouverte sur l’appartement de Sally R, une jeune femme au bord du suicide. Seule son ombre est visible par-delà les tentures fermées de son appartement. L’instant passe et elles s’ouvrent sur quatre femmes improvisant, malgré leur tristesse, la veillée funèbre de l’une des leurs : la jeune Sally B, retrouvée morte, calcinée sur son banc solaire. Le public, relégué au statut de voyeur par la distance que le dispositif lui impose, assiste à une enquête au cours de laquelle quatre femmes tentent de répondre à la question qu’il se pose : à quoi suis-je en train d’assister ?
« Chaque fois que je viens voir quelque chose à Vidy, c’est bien ! » Entendue à la sortie de (Self) service, la réflexion est flatteuse pour le théâtre lausannois du bord de l’eau, mais elle est surtout justifiée en ce qui concerne la nouvelle création détonante de la jeune metteuse en scène belge Anne-Cécile Vandalem. Fascinant objet artistique, burlesque et morbide, (Self) service joue avec les sons comme avec les sens et fait entrer les spectateurs dans l’intimité d’une étrange famille, exclusivement composée de femmes.
Corinne Jaquiéry, Le 24 Heures, 2008.
Hansel et Gretel traite de l’isolement, de sa possible transgression, et de notre rapport à la morale : qu’est-ce qui, de la morale dont nous avons été imprégné le plus souvent à nos dépens, persiste en nous, envers et contre tout ?
Un frère et une sœur, suite à un amour interdit, ont été éloignés l’un de l’autre depuis leur enfance. Des années plus tard, ils se retrouvent dans la cave de la maison familiale pour consommer leur amour en secret. L’histoire se situe le jour de leur mariage. Afin de donner de la consistance à la fête, ils se sont inventés une assemblée d’invités, qu’ils ont eux-mêmes filmés et interprétés devant leur caméra. Une pléthore d’amis, de cousins, de relations vont ainsi défiler dans l’intimité de leur cave. Mais au fur et à mesure de la soirée, les invités se font moins conviviaux et les cadavres ne tardent pas à sortir avec grands fracas des placards… À jouer les apprentis sorciers, ils deviendront prisonniers d’un jeu qu’ils ont eux-mêmes initié.
Au milieu du plateau, une grande table de mariage est dressée. Les acteurs/personnages sont assis au centre. À leurs côtés trônent sept téléviseurs dans lesquels sont diffusés les visages en gros plan de leurs invités. Ces visages, ce sont les leurs, car ils ont eux-mêmes filmé et interprété tous les invités de leur prétendue fête. Habillés et grimés comme des personnages de théâtre ou comme autant d’archétypes d’une société condamnatoire, ils se confrontent à leur propres images, tour à tour juges et bourreaux. Le public assiste à un trouble jeu identitaire où les acteurs/personnages se débattent dans leur propre mise en scène – une fois de plus les acteurs prennent en charge une grande partie de la technique du spectacle – et livrent un combat acharné avec eux-mêmes. Mise en abîme perpétuelle, le dispositif est au centre d’une fiction aux strates multiples, libre à chaque spectateur d’y plonger complètement ou de demeurer à la surface.
Très impressionnante, la nouvelle création de Jean-Benoit Ugeux et Anne-Cécile Vandalem poursuit l’exploration de la solitude abordée avec Zaï Zaï Zaï Zaï. On retrouve un couple isolé, cette fois confronté aux invités de leur mariage. Mais il n’y a personne : les époux ont joué et filmé leurs hôtes. La synchronie entre le jeu des acteurs et les téléviseurs est sidérante. La froideur qu’elle crée l’est tout autant. Notre attention s’y perd un peu, mais notre esprit bout quand il comprend peu à peu les raisons profondes de tout ce dispositif. Un spectacle aussi angoissant que magistral. Laurent Ancion, Le Soir, 2006
Concept et réalisation Anne-Cécile Vandalem – Das Fräulein (Kompanie)
Musique Pierre Kissling
Scénographie Ruimtevaarders
Images Federicco D’Ambrosio, Jérémy Van Der Haegen
Création et régie vidéo Benoît Gillet
Avec Selma Alaoui, Brigitte Dedry,Véronique Dumont, Epona Guillaume, Séléné Guillaume, Zoé Kovacs, Lili Kovacs, Ghila Kovacs, Charly Kovacs, Aurélie Lannoy,Vincent Lecuyer, Gaetan Lejeune, Jean-Benoit Ugeux, Nathalie Yalon, Mélanie Zucconi
Production Das Fräulein (Kompanie)
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