L’habituation est un phénomène psychologique qui consiste en une diminution graduelle de l’intensité ou de la fréquence d’apparition d’une réponse suite à la présentation répétée ou prolongée du stimulus l’ayant déclenchée.
L’allégorie de la grenouille est régulièrement employée pour définir ce concept : si l’on plonge une grenouille dans de l’eau bouillante, elle s’échappe aussitôt. Par contre, si on la plonge dans de l’eau froide progressivement portée à ébullition, elle manque de vigilance, s’engourdit peu à peu et finit par mourir, ébouillantée.
Dans un pavillon de banlieue, cuisine et salon en enfilade, la famille Sennes vit repliée sur elle-même. Alain, le père, découpe et emballe à domicile du saumon fumé pour une société norvégienne. Claudia, la mère, secrétaire dans un bureau d’assurances, s’accroche au cadre bien défini d’une réalité faite de contrats et de risques anticipés. Yvonne, la tante, est chauffeur de bus et tourne en boucle dans la ville. Stagnant dans cette inertie mortifère, la petite Anni promène le bocal de son poisson rouge et veille à ne pas faire trop de remous tandis que sa famille l’encourage à nourrir une chimère : un jour ils partiront en Norvège visiter l’entreprise de papa ! Le jour de son septième anniversaire, Anni décide de prendre les choses en main, déterminée à ne plus leur laisser le choix. Par le biais d’une vente aux enchères radiophonique, elle liquide l’existence de sa famille. Tout bascule.
Dans un long mouvement progressif, la nature envahit la maison. Les lianes glissent le long des murs, les fougères pénètrent le mobilier, le gazon recouvre le sol du salon. Bientôt, l’eau s’infiltre dans la cuisine. La nature s’impose et la famille lutte pour sa survie, contre le mouvement initié par l’enfant. L’esthétique bascule vers l’imaginaire. La parole cède sa place au signe. Une mutation s’opère : les hommes deviennent poissons, motif principal et récurrent de l’histoire. Le mouvement circulaire, ligne commune aux trajectoires des différents personnages, se brise. Dans ce nouveau monde, plus rien jamais ne tournera rond.